La chasse, les hommes, le territoire

L’association communale de chasse est forte d’une quarantaine de membres, dont certains chassent le petit gibier présent ici (lièvres, bécasses, palombes et quelques migrateurs), mais tous se retrouvent une quinzaine de fois par an pour chasser le gibier roi « u signale », qui mobilise toutes les attentions et les passions. Le sanglier règne en maitre et il faut le mériter. Dans quelques secteurs, gagner son poste à pied nécessite une bonne heure de marche avec des dénivelés conséquents. Trois jours par semaine, du 15 août au 28 février, les chasseurs sont donc à pied d’œuvre, certains au rabat avec leurs chiens, les autres placés, là où des postes de tir ont été aménagés pour des distances efficaces d’une vingtaine de mètres. Grâce à une participation financière accordée par la FDC, l’association a posé, aux endroits stratégiques et où c’est possible, des miradors pour améliorer la sécurité. Pour chasser le sanglier dans un tel biotope hostile pour l’homme, mais sécurisant pour « u signale », il faut des chiens courants vaillants, broussailleurs, bien gorgés et endurants, mais aussi habiles à éviter des charges, souvent musclées, lors des fermes. Si les blessures légères sont soignées localement, les plus graves sont l’objet de soins vétérinaires, souvent onéreuses. Attentifs également à la protection des cultures (prairies, vignes et potagers) les chasseurs font de la prévention et interviennent pour limiter les dégâts. Les relations avec les équipes riveraines sont bonnes, et l’accueil n’est pas un vain mot puisque régulièrement, il y a un échange entre l’équipe locale et des chasseurs venus du Doubs. Bon an mal an, les prélèvements oscillent entre 90 et 110 animaux, ce qui, compte tenu du biotope et des difficultés diverses, est remarquable. Chaque battue est chargée de son lot d’émotions, de satisfaction, dé déception aussi, mais les échos des rabatteurs qui crient dans la montagne, ponctués de quelques tirs d’effarouchement, vous plongent et vous maintiennent au cœur de l’action. Au terme de chaque battue, la venaison est partagée entre les chasseurs et les invités, et des dons sont faits aux associations du village.

 

Bastien Rossi, un président à l’écoute

Président de l’association depuis 2002, cet ancien gendarme qui a fait sa carrière sur le continent, a rendu son képi de « Major » à Carcassonne. De retour au pays, puisque natif de Campile, à une quinzaine de kilomètres de Castello di Rostino, il s’est investi dans les activités cynégétiques : lieutenant de louveterie, puis président régional de ce corps, puis administrateur au bureau National. Il est également secrétaire de l’Association des piégeurs de Haute-Corse et du Club de Tir « U Rustinu », qui héberge le centre de formation de l’examen du permis de chasser pour la FDC de Haute-Corse. Ce qui, avec la présidence de l’Association communale de chasse, fait qu’il y consacre la majeure partie de son temps. Homme de dialogue, ce passionné à l’autorité diplomatique « une main de fer dans un gant de velours » est extrêmement apprécié de ses chasseurs pour l’organisation sans faille et la discipline qui va avec une chasse où la sécurité et le maitre-mot.

 

La battue du jour 

Nous sommes début septembre, le rendez-vous est à la cabane de chasse à 7h30, pour chasser tôt. Je suis conduit par Jean-Baptiste Mari, le président de la FDC de Haute-Corse qui participera activement à la battue comme rabatteur. Je retrouve d’ailleurs Thierry Cabanes, président de la FDC du Tarn et Garonne, venu en vacances avec des amis chasseurs. Après les présentations d’usage, le café et les croissants, on aborde le plat de résistance, c’est-à-dire la battue du jour. Seront découplés les chiens de pays de Pierre-Félix Giampetri et les porcelaines de Dominique Ottaviani, soit au total une douzaine de courants, plus quelques rabatteurs et nous chasserons « Campu Domedieu », une enceinte très dense et escarpée d’une quarantaine d’hectares. Les consignes de sécurité rigoureuses sont édictées par le président Rossi, puis nous partons en 4x4 pour rejoindre le pied de la montagne. Là, nous attendait une mise en bouche musclée, sous la forme d’une heure de marche pour rejoindre les postes avec des dénivelés forts importants. Après une bonne « suée », nous sommes enfin aux postes à neuf heures. Déjà les récris des chiens se font entendre dans la montagne avec quelques tirs de dissuasion pour faire fuir les sangliers. Mon poste est très court, avec une fenêtre de tir d’une quinzaine de mètres. Il faudra donc être très vigilant. Les courants empaument rapidement, puis plusieurs sangliers sont levés, accompagnés de plusieurs coups de feu. Il y aura plusieurs menées différentes, et mon voisin de poste, Thierry Cabanes, sera plus chanceux que moi et prélèvera un joli petit mâle. Lorsque la fin de battue est sonnée, vers 13h30, quatre sangliers sont au tableau, dont un très armé qui a tenu un ferme musclé, fort heureusement sans casse pour les courants. Mais ça n’est pas tout à fait terminer car maintenant, il faut redescendre les sangliers aux 4x4, récupérer les chiens, puis retour à la cabane pour la photo, éviscérer les victimes et partager un copieux casse-croûte, riche de spécialités corses succulentes.

 

Le « débriefing » de Thierry Cabanes

Je le cite in extenso : « A cette période de l’année, je viens en vacances en Corse depuis 16 ans avec des amis, et nous en profitons pour participer à des battues aux sangliers. J’ai chassé dans le sud de l’Ile à Ocana et Tola, et en Haute-Corse à Oletta. J’y retrouve les camarades chaque année avec le plus grand plaisir. J’ai pu découvrir plusieurs équipes de chasse, toutes pratiquant avec la même passion du chien courant et du sanglier. L’exercice est parfois difficile, car le territoire est plus escarpé que dans mon Quercy. Ici, les meilleurs postes sont en haut et… il faut y monter. Ce matin une heure de marche pour se poster, mais quelle récompense. Des chiens qui ont menés toute la matinée. Des copains qui font les voix pour nous envoyer les sangliers. Quelle musique ! C’est ça la battue corse. Puis à la fin, retour à la cabane, on refait la chasse et on partage le saucisson et le fromage corse. C’est cela la chasse au sanglier en Corse… ».

 

Epilogue

Effectivement, la battue au sanglier en Corse est un espace de bonheur. En présence de la « bête noire », on retrouve les émotions de sa jeunesse. Et si on y ajoute l’accueil, l’empathie, le partage, c’est-à-dire tout ce qui fait la fierté des Corses et la richesse de leur patrimoine cynégétique, il ne me reste qu’à remercier chaleureusement Bastien Rossi et son équipe, ainsi que Jean-Baptiste Mari pour cette battue qui restera un modèle par sa haute tenue.