La chasse au sanglier 

Elle rythme la vie du village à partir du mois de juin jusqu’ à souvent fin mars de l’année suivante, à la cadence de trois battues par semaine. Les mois d’été, sauf problématiques dégâts sur les vignes, les chasseurs attendent le 15 août avant de démarrer vraiment la saison, et la fermeture dépend aussi des dégâts du massif. L’ACCA a été créée au début des années 1990, mais une AICA l’a remplacée en association avec la commune riveraine de Feullia, dénommée « AICA de Sauveplane ». La chasse au sanglier existe ici depuis le milieu des années 1960, époque où les animaux étaient beaucoup moins nombreux. Joseph Pujolle, le doyen avisé de l’équipe qui court allègrement vers ses 78 printemps, m’explique qu’à ce moment-là, cinq villages ne formaient qu’une seule équipe, c’étaient : Feuilla, Fraissé-des-Corbières, Roquefort des Corbières, Opoul et Vingrau. Les tableaux étaient moins pléthoriques que maintenant, mais il se tuait de beaux sangliers, dont un magnifique mâle de 132 kg qui a marqué les esprits. L’AICA offre un territoire chassable de 4300 hectares, avec un tableau annuel sangliers des dix dernières années, allant de 95 à 195, auxquels il faut ajouter quelques chevreuils. Le territoire est difficile à chasser pour les piqueurs et les chiens, avec des dénivelés importants, beaucoup de rochers et un biotope méditerranéen très épais, donc favorable aux bêtes noires.

 

Une solide équipe

Patrick Cerda est le président de l’AICA et Vincent Pujolle son directeur de battue. Ce sont deux chasseurs dans l’âme, avec des qualités d’authenticité et humaines au-dessus de la moyenne. Tous deux m’expliquent que, sans l’équipe à sanglier, la vie associative du village serait réduite à la portion congrue, car c’est un lien social fort qui regroupe des gens de toutes les générations. Selon eux, l’équipe est globalement bien perçue par la population, car outre la passion de la chasse aux sangliers, elle a un rôle important dans la régulation des populations de suidés pour prévenir les dégâts dans les vignes, surtout à une époque où la viticulture locale souffre. Les chasseurs jouent le jeu et s’impliquent fortement mais la vie de l’équipe est un perpétuel « casse-tête ». Par exemple, pour les aménagements, la réalisation nécessaire d’un chemin de 2,5 km a été un véritable parcours du combattant pour obtenir toutes les autorisations. Petit point d’ombre avec les jeunes qui n’ont pas encore acquis l’esprit associatif, mais à l’heure actuelle, l’équipe vit bien, je peux en témoigner. Les anciens : Gégé Pujolle, Jean-Claude Beit, Jo Ibanez, Robert Pujolas, sont là bien présents, occupent les postes et sont la mémoire vivante de l’équipe, avec leurs histoires d’avant ! Les trentenaires, dynamiques et adroits, se reconnaitront, quant aux piqueurs : Xavier Martin, Xavier Thibault, Robert Castillo ou Vincent Pujolle, ils sont durs au mal, avec du souffle et des jarrets d’acier, aidés par leurs auxiliaires, des fauves de Bretagne, des griffons Bleus, des Beagles, Kopovs et autres, vaillants à la tâche. De temps en temps, un repas vient agrémenter les journées de chasse et la venaison est partagée entre tous les acteurs, dans le superbe local de l’AICA, doté d’un espace pour traiter la venaison.

 

Une municipalité à l’écoute

Céline Cerda, maire de Fraissé-des-Corbières a une vision de la ruralité teintée de passion et d’optimisme. « C’est un état d’esprit, une histoire vivante que nous écrivons tous ensemble chaque jour. Ce sont des histoires partagées, c’est la magie d’un coucher de soleil sur nos belles Corbières, le rire des enfants dans la cour de l’école, la proximité avec la nature. La solidarité et l’entraide sont les piliers de notre vie locale où se tissent des liens indéfectibles, ce sont des mots qui ont valeur patrimoniale… ». Vous l’avez compris Madame le Maire est ravie d’appartenir à ce monde rural. Cependant les défis sont quotidiens : accessibilité aux services, connectivité, faible dynamisme économique et distances géographiques pour accéder aux soins. Sans compter les restrictions budgétaires qui impactent fortement la vie communale et placent les élus devant des choix difficiles. Dans cette ruralité, les associations sont le battement de cœur de la vie rurale et communale et souvent le seul lien rassembleur ou de ralliement. La vision de la chasse et des chasseurs de Céline Cerda est en osmose avec ses hommes et ses femmes qui connaissent chaque sentier, chaque recoin de cette nature généreuse. Elle tient à souligner l’importance significative du rôle des chasseurs au sein de la communauté villageoise, car la chasse va bien au-delà d’une simple activité, c’est une tradition ancienne, un héritage qui se transmet de génération en génération. Les chasseurs jouent un rôle crucial pour la préservation de la nature, pour la régulation des populations animales, pour la protection des vignes et de la biodiversité en général, grâce à leur connaissance intime de la faune et de la flore et des écosystèmes. A la maison de la chasse, qui n’est pas seulement une bâtisse, se noue un lieu de vie et de partage, de récits d’après chasse où se croisent les générations. En un mot, c’est un foyer où la chaleur humaine rivalise avec celle du feu qui crépite dans la cheminée. Les relations des chasseurs et de la population communale sont empreintes de sérénité, et pour que l’information soit complète, il faut savoir que la municipalité octroie annuellement à l’AICA une subvention conséquente et prend en charge l’eau et l’électricité du local de chasse. Cette situation n’est pas si courante et mérite d’être soulignée. Donc Madame Cerda, malgré les difficultés du quotidien de son mandat, le vit avec passion et détermination, inscrit dans la défense de la ruralité.

 

En conclusion

La vie de ce village est rythmée par la solidarité, avec une constante réelle, l’équipe de chasse aux sangliers qui apporte pendant de nombreux mois, une vie, une action collective, la défense d’une passion et un rôle essentiel pour le maintien des grands équilibres agro-sylvo-cynégétiques. A Fraissé-des-Corbières, cette passion pour la « bête noire » et sa chasse s’inscrit naturellement dans la continuité de la vie locale. C’est tant mieux et bien réconfortant !