Dans un vocabulaire flatteur, on devine surtout l’avidité et la recherche désespérée d’une légitimité. Enfin, pour combler le vide laissé par l’absence de trophée ou de quantité, il reste la mise en avant de la difficulté du tir. La prouesse technique devient alors l’ultime refuge d’une reconnaissance artificielle. Plus la cible est lointaine, rapide ou petite, plus le tireur se croit valorisé. À l’inverse, le gibier « immanquable », celui qui se présente calmement à portée de fusil, ne rapportera aucun prestige. L’adresse prime sur l’éthique : la difficulté n’est plus une conséquence de la chasse, mais son unique justification. Ce système de valeurs inversées révèle une perversion cynégétique.
La chasse n’est plus vécue comme une rencontre, encore moins comme un engagement envers la nature, mais comme une compétition entre hommes. C’est cette dérive qui décourage les jeunes générations, incapables d’y trouver le sens qu’ils étaient peut-être prêts à lui accorder. Au lieu d’être une école de patience, d’humilité et de respect, la chasse devient un podium où l’on classe les prises comme on le ferait d’objets inanimés. En dénonçant cette hiérarchie des captures, il s’agit moins d’attaquer les chasseurs que de rappeler ce que la chasse pourrait être : un lien, fragile mais précieux, entre l’humain et le vivant. Mais tant qu’elle restera prisonnière de cette course aux tableaux, elle se condamnera à n’être qu’une caricature d’elle-même...
La chasse réduite au tableau : la dérive d’une hiérarchie artificielle
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La chasse réduite au tableau : la dérive d’une hiérarchie artificielle