« Messieurs les Anglais, sautez les premiers ! ». Voilà le cri du chasseur français à son homologue britannique, lors d’un laisser courre sur renard. La plus populaire des chasses, Outre-manche, est l’occasion de passer au-dessus, ou à travers les obstacles, pour admirer au plus près la finesse du travail des chiens. Et c’est ce à quoi s’est attelé Robert Smith Surtess. Mais auparavant, sortons du brouillard historique dans lequel il est plongé depuis des décennies cet homme de plume. Gentilhomme campagnard, il appartient par sa naissance, en 1803, à une très bonne famille du comté de Durham, dont certains membres animèrent une société savante. Dans les années 1821, il fonde, avec son ami Rudolph Ackerman, le périodique « New Sporting Magazine ». Surtess y conte les aventures d’un bourgeois gentilhomme anglais, qui croit dur comme fer que l’habit rouge du veneur anoblit. En effet, la révolution industrielle, assise sur le chemin de fer et la maîtrise des mers, va bouleverser les stratifications de la société campagnarde. Ses nouvelles, au fil des chroniques, sont rassemblées en 1843, sous le titre « Hundley Cross ». C’est d’abord un échec commercial jusqu’à l’édition de 1853, où les illustrations de John Leech font, de son héros Jorrocks, le John Bull de la chasse anglaise. Le livre entre alors dans les succès de librairie, et devient un classique. Même Donatien Lévêque, fin connaisseur du sport anglais, peut le citer : « Je répondrai comme l’immortel Jorrocks : il y a deux manières de faire des choses… »…
Par Louis-Gaspard Siclon

Les attaques se succédèrent : Eugène de Savoie amorça une offensive sur l’aile gauche française, tandis que l’aile droite se trouvait fixée par les cuirassiers du prince d’Orange. L’infanterie britannique emporta le centre français affaibli, mais fut repoussée à plusieurs reprises par la cavalerie de la Maison du Roi. À 15 heures, après des pertes effroyables, 20 000 à 25 000 morts chez les Alliés, contre environ 6 000 chez les Français, Boufflers ordonna le repli, conservant la cohésion de l’armée et préservant la France d’une invasion. Bien que les forces alliées aient pris Mons, elles ne purent poursuivre l’attaque. La bataille fut donc une victoire stratégique française, et, dans ce carnage de chair, de boue et de poudre, s'est passé un événement que nul n’osa qualifier de banal : l’apparition du renard de Malplaquet. Ce renard roux, d’une audace indécente, osa traverser entre les lignes françaises et anglaises, en plein vacarme de la bataille, défiant balles et canons comme s’il jouait une comédie divine. Les soldats des deux camps se figèrent pendant quelques précieuses secondes, qui permirent à la ligne de feu française de recharger plus rapidement que les Anglais, qui « était encore à la bourre » (comprendre en retard du rechargement de leurs armes), et de lâcher une salve dévastatrice qui décima la moitié de la ligne ennemie. Persuadés qu’un miracle s’était produit sous leurs yeux, les officiers vibrant de patriotisme entrainèrent alors leurs hommes galvanisés par ce coup du sort, à finir la besogne. Ainsi se révéla toute la grandeur de l’absurde : un renard roux fit basculer le destin de l’Europe...
Sous ce vocable bien comprimé, se cache la frimousse de Sibylle Gabrielle de Riquetti de Mirabeau…
Retrouvons un de ces vaillants officiers qui ont défendu la France en 1914… Au hasard des garnisons de son père Albert de Martimprey, à l’époque lieutenant au 18e Dragons, René est né à Vitry le François, dans la Marne, le 18 juin 1883. Choisir la carrière militaire, chez les Martimprey, est chose normale, sinon évidente. L’un de ses aïeux fut général, gouverneur des Invalides et de l’Algérie, et son père Albert, finira sa carrière lieutenant-colonel de Dragons. Quelles furent ses premières impressions de chasse ? Tout enfant, il suivait avec son père, les laisser-courre du comte de Valon. Comme l’écrit avec humour Crafty, « le voisinage d’une ville de garnison assure aux maîtres d’équipage une assistance nombreuse. La présence de Messieurs les Officiers détermine toutes les amazones de l’arrondissement à braver les fatigues d’une chasse, et la certitude de trouver des amazones au rendez-vous décide ces messieurs à ne jamais en manquer une… ». Les tuniques et dolmans des cavaliers rehaussaient le grand faste de l’équipage de cerf du comte de Valon qui comptait à son service trois piqueux et deux valets de chiens en tenue bleu, parements et gilet rouges, et surtout la grande trompe Dauphine, qu’imposait le tricorne. Et tout ce monde galopait dans la forêt d’Halatte. Il est difficile de ne pas s’attarder sur le portrait qu’en dresse Martimprey : « attardé du 18e siècle, continuateur des belles traditions, le comte Bertrand de Valon, avec sa branche, sa race, la superbe de son allure… l’œillet blanc à la boutonnière, semblait être quelque seigneur de l’ancien temps, traversant allègrement le nôtre, un sourire amusé sur les lèvres… Hardi, hardi les petits, lançait ce grand chef, alors que, tout gamin encore et juchés sur des poneys, nous suivions, mes frères et moi, nos premières chasses à courre. Belle leçon sur la transmission de la chasse ! Et il y eut un échange fécond entre eux, puisque la nouvelle « Le Moine et le Veneur » transcrite dans Contes de Vènerie, fut racontée à l’écrivain par Valon. En retour, Martimprey lui dédia la « Dernière Chasse » qu’il annonce comme abracadabrante, dont l’action se déroule sous les auspices de Saint Hubert au moment du Jugement Dernier.
transformée en prison d’État, puis en maison centrale de détention par Napoléon en 1808, elle a accueilli des générations de détenus jusqu’à sa fermeture récente, intervenue il y a quelques années. Lorsque Bernard de Fontaine, futur saint Bernard, fonde Clairvaux en 1115, il ne se doute pas que son abbaye deviendra le centre d’un vaste réseau monastique.
Fille de Cîteaux, Clairvaux fonde à son tour soixante-quinze abbayes « filles » de son vivant, et plusieurs centaines, au fil des siècles. Elle s’impose rapidement comme l’un des phares de la chrétienté occidentale, lieu de prière, de savoir et de rayonnement économique. Clairvaux connaît alors une prospérité exceptionnelle : ses moines défrichent, cultivent, copient des manuscrits et influencent les débats théologiques de leur temps. Bernard y rédige ses sermons et traités, devient conseiller des papes et figure centrale des croisades. L’abbaye, avec ses vastes bâtiments, ses ateliers et ses terres, est l’un des pôles religieux et économiques majeurs du royaume de France. Comme tant d’autres établissements religieux, Clairvaux subit de plein fouet les bouleversements de la Révolution française. En 1792, l’abbaye est sécularisée : les moines sont dispersés, les biens confisqués comme biens nationaux. Mais la Révolution ne se contente pas de fermer l’abbaye de Clairvaux...
Le bassin versant de la Garonne et plusieurs affluents pyrénéens furent submergés par des débits d’une intensité telle qu’ils ont provoqué des destructions massives, emportant ponts, digues, habitations et infrastructures essentielles. Les pertes humaines furent considérables, faisant de cette crue l’une des catastrophes naturelles les plus meurtrières de la France métropolitaine.
Cet événement, au-delà de ses impacts immédiats, a profondément marqué la trajectoire historique de l’aménagement hydraulique et de la gestion des milieux montagnards et fluviaux. Dès la fin du 19e siècle, la nécessité de prévenir la récurrence de telles catastrophes a conduit à la mise en place d’une politique d’intervention structurée, incarnée notamment par le service de Restauration des terrains en montagne (RTM), aujourd’hui intégré à l’Office national des forêts (ONF).
C’est la raison pour laquelle, en juin dernier, Toulouse a accueilli un colloque international consacré à la commémoration et à l’étude de cette crue exceptionnelle de 1875, connue dans la mémoire collective sous le nom de « l’Aïgat ». Cent cinquante ans après cet épisode hydrologique majeur, chercheurs, gestionnaires territoriaux et acteurs institutionnels se sont réunis afin de réinterroger les connaissances accumulées, d’évaluer l’héritage paysager et sociétal de cet événement, et de réfléchir à de nouvelles perspectives pour la gestion contemporaine des risques naturels...
Pur Lorrain, Joseph–Emile Gridel est né en 1839 à Baccarat, où il est décédé en 1901. A l’exception d’escapades en Bretagne de 1868 à 1878, Gridel ne quitta pas des yeux la ligne bleue des Vosges. Fils d’un notaire, il a eu le parcours choyé de la grande bourgeoisie locale, et assuma, avec une grande compétence, la gestion de ses vignes et de ses bois, ainsi que la responsabilité de la compagnie locale des sapeurs-pompiers. De ses activités de louvetier, Gridel en garde un plaisir ostentatoire : « Qui n’a jamais présidé pareille solennité cynégétique, ne connait pas les joies du métier… Auteur d’un seul livre, mais qui est toujours une référence puisque réédité en 2005, notre louvetier fait figure de parent pauvre avec ses chiens au pedigree de guingois, sur lequel nul maître d’équipage de vautrait n’aurait laissé tomber un seul regard...
Si vous êtes en vacances, prenez un peu de détente avec cette chronique dédiée aux deux frères Géruzez… L’aîné, Paul (1831/1896) fut surtout l’écrivain du duo. Il vécut pour la chasse et par la chasse. Son inspiration cynégétique fut alimentée par sa vie de bouton dans l’équipage de Monsieur d’Osembray, qui découplait en forêt de Lyons. Ses activités de rédacteur des rubriques équestres, dans le Journal et le Sport, le maintenait en contact permanent avec ce milieu. Il fut aussi membre fondateur de la Société Centrale, pour l’amélioration des races de chiens. Son palmarès se limite à trois ouvrages : « Le cheval de chasse », « Le cheval de guerre » et « A pied, à cheval, en voiture » illustré par son frère Crafty. Le second est, par conséquent, Victor Eugène (1840/1906), plus connu sous son pseudonyme de Crafty. Lorsque l’on grandit, puis s’émancipe du foyer de son père, Nicolas Eugène Géruzez, très digne professeur de littérature française au Collège de France, il faut publier et se faire un nom qui ne gêne pas son géniteur. L’équation était simple, mais subtile : Géruzez donne phonétiquement « j’ai rusé », qu’il suffit de traduire en anglais, d’où « Crafty ». Voilà donc, pour M. Del Morral, fin connaisseur de la bibliographie cynégétique, à qui nous empruntons cette thèse séduisante, l’origine du pseudonyme de Crafty. Par-delà ce côté un peu potache, cela ne l’empêche pas d’épouser Louise Vavin, fille de l’homme politique qui donna son nom à une avenue et une station de métro. Enfance choyée, vie familiale dans la meilleure société parisienne qui devint ainsi son champ d’observation.
Son œuvre la plus emblématique, « Les chasses au sanglier », parue en 1925 puis rééditée en 1952, demeure un pilier de la culture cynégétique française, mêlant technique, tradition, nature et gastronomie. Né dans le village de La Norville, dans l’actuelle Essonne, Joseph Montet emprunta à son lieu natal son nom d’auteur.
Devenu Georges Lanorville, il se fit rapidement un nom dans les cercles de chasseurs éclairés. Son style élégant, précis sans être académique, sensible aux ambiances et aux rythmes de la forêt, séduit autant les lecteurs du dimanche que les veneurs les plus aguerris. S’il commence sa carrière par des manuels techniques, « Manuel pratique du chasseur » (1904) et « Nouveau manuel pratique du pêcheur à la ligne » (1907), c’est avec « Les chasses du sanglier » qu’il atteint une forme de maturité littéraire et philosophique. L’ouvrage, d’une richesse remarquable, est autant un guide qu’un hommage vibrant à la chasse à la bête noire, ce sanglier rusé, redoutable et noble. Publié en édition illustrée, introuvable aujourd’hui, ses gravures originales sont signées Joseph Oberthur, et ses descriptions minutieuses en font un ouvrage à la fois pratique et poétique. La version moderne, rééditée en 2003 par la Bibliothèque des Introuvables, propose un format plus large, enrichi d’un lexique cynégétique...
Élégant, cultivé, polyglotte, amoureux de la musique classique autant que des sciences, il projetait l’image d’un président éclairé, rationnel, tourné vers l’avenir. Pourtant, cette figure modernisatrice cachait une part plus personnelle, profondément enracinée dans des valeurs anciennes : l’attachement à la terre, à la nature, à la chasse, et à une forme de noblesse républicaine.
Giscard n’était pas un président populaire au sens traditionnel. Il se voulait pédagogue, parfois distant, préférant le contact avec les experts à celui avec les foules. Il cultivait un style présidentiel qui tranchait avec celui de ses prédécesseurs : plus vertical que De Gaulle mais moins paternaliste que Pompidou. Cette posture lui valut l’image d’un « monarque républicain », un président qui, tout en supprimant certains archaïsmes, en revendiquait d’autres avec ferveur. Sa manière de s’adresser aux Français, sa gestuelle, son goût pour la mise en scène et les symboles du pouvoir l’ont parfois éloigné de ses contemporains. Pourtant, derrière cette façade, se cachait un homme profondément attaché aux traditions, et notamment à la tradition cynégétique...
Sa carrière témoigne des différents échelons de la hiérarchie : débutant comme valet de chiens, puis valet de limier à pied à l'âge de 20 ans, évoluant au rang de valet de chiens à cheval à 28 ans, jusqu'à devenir 4ème piqueux à 31 ans, 2ème piqueux à 43 ans, et enfin 1er piqueux piquant à 48 ans, avant d'être nommé « Commandant de la Vènerie » quatre ans plus tard.
Cette progression illustre la rigueur et la dévotion requises pour gravir les échelons de cette institution. Pour Lage de Chaillou, le valet de limier représente la pièce maîtresse de toute chasse à courre, fondamental dans son rôle puisque les attaques se faisaient toujours à trait de limier, et jamais de meute à mort. Mais, la dissolution abrupte de la Vènerie Impériale en 1870 obligea ses membres, une vingtaine au total, à se réorienter vers d'autres équipages périphériques. Nombre d'entre eux transmirent leur expertise et leur attachement aux traditions, enrichissant ainsi les pratiques de chasse dans les régions où ils s'installèrent. Malgré sa disparition officielle, l'héritage de la Vènerie Impériale a persisté à travers ces hommes, qui ont façonné une tradition ancestrale et l'ont perpétuée au-delà des frontières de la Couronne. Leur adaptation et leur influence dans d'autres équipages témoignent de l'importance de leur savoir-faire, consolidant ainsi un pan essentiel de l'histoire de la chasse à courre en France...
L'une de ses expéditions de chasse les plus mémorables se déroula dans les vastes étendues sauvages du Dakota du Nord, à la fin des années 1880. À l'époque, Roosevelt était encore jeune et en ascension politique. Passionné par la vie en plein air, il avait entrepris un voyage de chasse avec quelques amis dans les Badlands,
une région sauvage connue pour sa beauté brute et sa faune abondante. Lors de cette expédition, l'objectif de Roosevelt était de traquer un bison, une quête qui n'était pas seulement un test de compétence de chasseur, mais aussi une affirmation de son esprit pionnier et de sa résilience. Le récit de cette chasse particulière se distingue par la détermination et l'endurance de Roosevelt face à un animal aussi imposant que symbolique. Après des jours de pistage intense et de conditions météorologiques difficiles, Roosevelt et ses compagnons localisèrent enfin un troupeau de bisons. Le futur président, armé de son fusil et accompagné de guides, se lança dans la poursuite...
Par ailleurs biographe talentueux du Marquis de Foudras, Louis-Gaspard brosse le portrait type du piqueux, dans un équipage de vènerie. Il écrit : « Ce personnage haut en bottes et la trompe jamais bien loin du souffle, est la figure emblématique du monde de la vénerie.
Le piqueux doit avoir tant de qualités réunies qu’il est bien rare d’en trouver un complet, et quand on en a un à moitié bon, il faut encore savoir s’en contenter, tellement ces gens-là sont recherchés... Imaginez un type capable de reconnaître un chien à 500 mètres, et de rameuter une meute comme un chef d’orchestre dirige un régiment de cavalerie, tout en gardant son cheval aussi calme qu’un notaire sous tranquillisant... ». Le comte Jean-Emmanuel-Hector Le Couteulx de Canteleu, qui fut l’un des plus fameux veneurs du 19e siècle, précisait lui, les responsabilités de celui qu’il nommait « le chef de meute ». Il cite : « Dans une demande d’emploi, un candidat s’est présenté ainsi : poids léger, sonnant de la trompe, bon valet de limier, sait très bien soigner ses chiens et chevaux, et... ne jamais se griser... ». Durant l’inter-saison, période des accouplements et des échanges de lices ou d’étalons, le piqueux règle le ballet amoureux, avec l’espoir de faire naitre ceux qui remplaceront, quelques années plus tard, les chiens les plus célèbres de l’équipage. Et en période de chasse, il est sur tous les fronts. C’est ça, un piqueux. Pas tout à fait domestique, pas tout à fait noble, mais indispensable...