Choc électoral et crise de légitimité...

A cette fragilité économique s’est ajoutée une secousse politique : les élections européennes de juin 2024 qui ont marqué un temps d’arrêt dans la stratégie d’influence de la FNC. Le parti « Alliance Rurale », soutenu en coulisse par une partie du mouvement cynégétique, espérait capitaliser sur la colère des campagnes face à la multiplication des interdits. Résultat : un score de 2,35 % des voix, bien en deçà des attentes. Cette débâcle a incité certains politiques, autrefois bienveillants envers la chasse, à prendre leurs distances, redoutant de s’aligner sur une cause jugée impopulaire dans les zones urbaines et périurbaines. Mais le désaveu a aussi semé le doute au sein du monde de la chasse. Longtemps courtisés comme un réservoir électoral, les chasseurs se sont sentis instrumentalisés, voire abandonnés. La base militante a exprimé un malaise, s’interrogeant : « pourquoi continuer à assumer seul la charge financière des dégâts de gibier, alors que notre poids politique diminue et que notre rôle de régulateur est contesté ? ». Cette crise de légitimité s’est accentuée lorsque le ministère de tutelle a constaté que les FDC n’avaient plus les moyens humains suffisants pour enrayer la prolifération du grand gibier. Dans certaines régions, notamment dans l’Est, l’Ouest et le Sud-Ouest, des agriculteurs sont même allés jusqu’à accuser les chasseurs de complaisance, les soupçonnant de maintenir volontairement des densités élevées, afin de prolonger le plaisir cynégétique. Ce soupçon a fragilisé encore davantage le pacte implicite entre l’État et la FNC : la confiance, ciment indispensable, s’effritait...

 

La tentation de la louveterie : une alternative crédible ou un désaveu assumé ?

Pour n’avoir pas fait le job, les chasseurs sont maintenant au pied du mur. L’Etat craint qu’une aide financière pourrait être, pour les chasseurs, une incitation à ne rien changer et faire comme avant. Quant à revenir au droit d’affût, il n’en est pas question. D’une part parce qu’une grande majorité d’agriculteurs ne sont plus chasseurs aujourd’hui, et ne renonceront pas aux indemnisations. D’autre part, pour des raisons de sécurité, le danger de confusion étant bien trop grand dans une campagne beaucoup plus fréquentée qu’elle ne l’était dans les années 1960. Face à cette impasse, l’exécutif envisage donc de reprendre la main, en confiant une part accrue de la régulation des sangliers, non plus aux chasseurs organisés par leurs FDC, mais au corps de la louveterie, ce réseau de fonctionnaires bénévoles, nommés et placés sous l’autorité des préfets (L.427-1 et R.427-1s du Code de l’Environnement). Traditionnellement chargés de missions de destructions administratives (loups autrefois, sangliers et autres aujourd’hui), les lieutenants de louveterie sont présentés comme une alternative plus fiable et contrôlable. Le projet est simple : doubler leurs effectifs actuellement proches de deux mille, et leur attribuer une indemnisation symbolique mais incitative (on parle de 1 000 € pour couvrir une partie de leurs frais). En pratique, chaque louvetier aurait un objectif de prélèvements annuel, ce qui, rapporté à l’échelle nationale, permettrait de contenir, voire de réduire, la population excédentaire de bêtes noires. Dans cette configuration, le coût total pour l’État serait bien inférieur à ce que pourrait demander la FNC, sans garantie de résultats. Mais derrière cette approche technocratique se dessine une fracture profonde : l’État veut adresser un signal clair de défiance envers la FNC, en confiant à d’autres ce qui constituait jusqu’ici son cœur de mission. Pour les chasseurs, cette décision résonnerait comme une humiliation : non seulement ils perdraient une partie de leur financement, mais ils se verraient dépossédés de leur légitimité à gérer la faune sauvage. Au fond, la question est plus politique que cynégétique : la FNC a-t-elle été naïve en croyant aux promesses de l’État, ou a-t-elle sciemment entretenu un « masque arable », c’est-à-dire l’illusion d’une régulation efficace pour préserver son pouvoir et ses ressources ? La réponse, en tout cas, se dessine dans les champs dévastés, sur les routes marquées par des milliers de collisions avec le grand gibier, et dans les arbitrages budgétaires d’un État désormais décidé à rationaliser sa dépense.

 

Que dit le Code de l’Environnement (Livre IV, chasse)

Le Code de l’Environnement encadre assez précisément la question des dégâts de gibier qui causent des dommages aux cultures et plantations. En voici les points essentiels :

•       Responsabilité et indemnisation : les articles L426-1 et suivants prévoient que : - les dégâts de grand gibier (sanglier, chevreuil, cerf, daim, mouflon) sont indemnisés aux agriculteurs ; - cette indemnisation est à la charge des fédérations départementales des chasseurs, qui financent un fonds spécifique alimenté par les cotisations des chasseurs et parfois par l’État.

•       Procédure de déclaration : l’agriculteur victime doit déclarer les dégâts subis dans un délai (souvent 72 h) auprès de la fédération des chasseurs. Une expertise contradictoire est alors organisée pour évaluer les dommages.

•       Prévention et responsabilité des chasseurs : les fédérations de chasseurs ont aussi une mission de prévention des dégâts (régulation des populations de gibier, battues administratives si besoin) ; - le préfet peut imposer des plans de chasse (articles L425-6 et suivants) pour maintenir l’équilibre agro-sylvo-cynégétique ; - les détenteurs du droit de chasse (propriétaires, associations, sociétés de chasse) doivent participer à cette régulation.

•       Faune non concernée : l’indemnisation ne couvre pas les dégâts causés par le petit gibier (lapins, faisans, perdrix, etc.), sauf cas particuliers décidés localement.

 

Texte officiel des articles

•       Article L426-1 : En cas de dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier soumises à plan de chasse, l’exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise en place des filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte de récolte peut réclamer une indemnisation sur la base de barèmes départementaux à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.

•       Article L426-2 : Nul ne peut prétendre à une indemnité pour des dommages causés par des gibiers provenant de son propre fonds.

•       Article L426-3 : L’indemnisation mentionnée à l’article L 426-1 pour une parcelle culturale n’est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal. En tout état de cause, l’indemnité fait l’objet d’un abattement proportionnel. En outre, cette indemnité peut être réduite s’il est constaté que la victime des dégâts a favorisé l’arrivée du gibier sur son fonds (par exemple, en pratiquant des cultures attirantes).

•       Article L426-4 : La possibilité d’une indemnisation par la fédération départementale des chasseurs laisse subsister le droit d’exercer contre le responsable des dommages une action fondée sur le code civil (anciennement article 1382, devenu article 1240). Si l’exploitant obtient en justice des dommages-intérêts, il doit reverser à la fédération, dans la limite de ce montant, l’indemnité déjà versée par elle. En cas de règlement amiable sans l’accord de la fédération, l’exploitant perd le droit de réclamer cette indemnité et doit la rembourser intégralement. La fédération peut aussi engager elle-même une action contre le responsable pour obtenir le montant qu’elle a versé.

•       Article L426-5 : La fédération départementale des chasseurs instruit les demandes d’indemnisation et propose une indemnité selon un barème départemental fixé par une commission départementale spécialisée. Une Commission nationale d’indemnisation des dégâts de gibier coordonne la fixation de ces barèmes (valeurs minimales et maximales) et peut être saisie en appel de la décision d’une commission départementale. Les fédérations financent l’indemnisation et la prévention via des contributions et participations des chasseurs (par animal à tirer, par dispositif de marquage, etc.), et répartissent les coûts entre leurs adhérents. Les détenteurs d’un permis national avec timbre grand gibier peuvent être dispensés de certaines participations.

•       Article L426-6 : Tous les litiges liés à l’application des articles L 426-1 à L 426-4 relèvent des tribunaux de l’ordre judiciaire.

•       Article L426-7 : Les actions en réparation des dommages causés aux cultures et récoltes par le gibier se prescrivent par six mois à partir du jour où les dégâts ont été constatés.

•       Article L426-8 : Les indemnités accordées aux exploitants pour dégâts causés à leurs récoltes par un gibier quelconque ne peuvent être réduites pour motif de voisinage.