L’aptitude d’un individu à survivre et à se reproduire dépend largement de son état physiologique, reflet de sa capacité à faire face aux variations environnementales. Pourtant, mesurer cet état chez les animaux sauvages reste un défi majeur. Les approches classiques (capture, manipulation, prélèvements sanguins ou dispositifs implantés) sont invasives, perturbent les comportements naturels et soulèvent des enjeux éthiques. De plus, ces méthodes ne permettent pas un suivi continu, ni l’observation d’espèces difficiles à capturer. Les alternatives non invasives, comme l’analyse des fèces ou de l’urine, offrent des avantages en matière de bien-être animal, mais ne détectent que des changements physiologiques intégrés sur plusieurs heures. Elles ne rendent donc pas compte des variations rapides de l’état interne des individus. Face à ces limites, l’imagerie thermique infrarouge (ITI) s’impose comme une méthode prometteuse. En enregistrant la température de surface du corps, elle permet d’inférer de manière non invasive les processus physiologiques sous-jacents, à la fois rapides et lents, chez les oiseaux et les mammifères. Cette technologie, désormais portable et accessible, ouvre la voie à une observation fine des réponses physiologiques dans la nature, sans perturber les comportements. Une récente étude a analysé les liens entre la température corporelle de surface et quatre grandes fonctions physiologiques : thermorégulation, métabolisme, stress et immunité. Les résultats suggèrent que les variations thermiques liées à la thermorégulation, au métabolisme et aux réactions de stress aigu (moins de trois minutes) sont largement généralisables entre espèces et contextes. En revanche, les réponses thermiques associées à l’activation immunitaire semblent dépendre fortement des conditions environnementales. Malgré ces avancées, les mécanismes reliant température de surface et physiologie interne restent encore mal compris. Le développement de modèles robustes exigera donc des validations croisées entre expérimentation en laboratoire et observations de terrain, une rigueur méthodologique accrue, et la prise en compte des variables telles que le sexe, le stade de vie et les conditions thermiques. Si ces défis sont relevés, l’imagerie thermique pourrait révolutionner l’étude de la physiologie animale en milieu naturel, offrant une approche éthique, précise et hautement informative des processus adaptatifs.