Un autre paramètre fondamental est la structure des compagnies, c’est-à-dire la répartition par sexe et par classe d’âge. Plus une population compte de laies adultes (femelles dans leur troisième année, dites laies ragotes), plus elle sera productive. En effet, les jeunes laies peuvent se reproduire, mais leur fertilité est moindre. Elles donnent en moyenne 2 à 4 petits par portée. En revanche, les laies adultes ont des portées plus nombreuses en nombre d’individus, de 5 à 8 en général. Matures, ces laies ont, en plus, un rôle social structurant : elles synchronisent les chaleurs des autres femelles du groupe, entraînant ainsi une concentration des naissances sur une courte période au printemps. C’est cette synchronisation qui renforce la survie des jeunes, en diluant le risque de prédation et en créant un effet de masse. Dès le sevrage, qui commence entre deux et trois mois, selon la générosité laitière de la mère, les marcassins commencent à consommer une alimentation solide, finissant de profiter des ressources encore disponibles de la fructification de l’année précédente. Le cycle biologique est donc étroitement lié aux cycles de production végétale, notamment celui des chênes, qui ont tendance à fructifier de façon cyclique, en « année de repos », suivie parfois d’une « année de surproduction » si les conditions météorologiques ont été favorables.

 

Selon l’OFB, les prélèvements annuels de sangliers sont désormais aux environs de 800 000 têtes. Compte tenu du taux de prélèvement moyen, cela nous permet d’estimer la population de Sus scrofa avant la saison de chasse, de l’ordre de 1,3 à 1,4 million de têtes. Ainsi, en combinant ces deux grands paramètres (la ressource alimentaire et la structure démographique des compagnies), on peut estimer avec un degré de fiabilité raisonnable la trajectoire des populations locales de sangliers. Bien organisée autour de laies adultes, bénéficiant d’une fructification forestière abondante, elle connaîtra inévitablement une forte croissance des effectifs. À l’inverse, une année pauvre en glands et dominée par de jeunes laies, entraînera un ralentissement, voire une stagnation des populations. Dans un contexte de surabondance dans certaines zones, ces analyses sont précieuses pour anticiper les dégâts agricoles, adapter les plans de chasse, et préserver un équilibre durable entre la faune, la forêt, et les activités humaines.