En faisant le bilan carbone de toutes ces opérations nécessitant du matériel lourd, puissant et gros consommateur d’énergie, on peut penser que l’on n’a certainement pas été très économe en la matière. On serait encore bien curieux de connaître le degré de compactage des sols. On a cru bon de clôturer la plantation, à croire qu’on ne sait plus régénérer la forêt qu’avec des enclos, tant ils prolifèrent un peu partout. A cause des densités d’ongulés sans doute…
Pourtant, en ce qui concerne notre parcelle, située dans le massif de Sedan-Est, on se trouve là dans une zone aux prélèvements d’ensemble modérés : en 2022/ 2023, la moyenne des prélèvements aux 1000 ha, était de 8,5 grands cervidés, 30,5 chevreuils et 71,4 sangliers… Plus précisément, le bois de Givonne est d’abord un secteur où les cerfs coiffés arrivent en fin d’hiver, à l’approche de la chute de bois. Si voilà 25 ans, on pouvait en dénombrer parfois de 10 à 20, ce qui n’a pas porté, soit dit en passant, préjudice au développement d’une belle parcelle de chênes rouges d’Amérique toute proche, aujourd’hui, seuls 4 ou 5 coiffés évoluent sur ces franges proches des prés et pâtures. En revanche, le chevreuil y est bien présent, comme le sanglier d’ailleurs. Et leur présenter, sans protection, un tel plateau de semi-ligneux et jeunes arbres si tentant pour les brocards pouvait s’avérer très risqué, d’autant plus que les plants, à la racine desquels se trouve un substrat nourricier « étudié », se révèlent très attractifs pour les sangliers…
Des clôtures et des subventions
On a donc clôturé, avec un grillage de 2,50 m, dont la partie basse est étalée sur le sol, et maintenu par des plots de terre… pour un coût final que j’ignore, mais subventionnée à hauteur de 37 461,41 € (pour ces 7 ha), par le plan gouvernemental France-Relance et l’Europe, bien affiché sur une belle pancarte, à l’attention regards qui passent à proximité, râlant à coup sûr d’avoir à ouvrir une porte, puis de la refermer, et de faire de même à la sortie…Ne pouvait-on pas faire autrement ? Personnellement, je reste réellement très sceptique quant l’efficacité de ce dispositif : d’abord la porte laisse une voie d’accès évidente au chevreuil ou au sanglier, et il n’est pas interdit de penser que des blaireaux, sous le grillage aplati, prépareront des coulées pour les sangliers. Alors, on criera au secours pour venir « flinguer les intrus », coûte que coûte ! Je ne partage pas vraiment toutes ces façons de faire qui, en plus, dressent le chasseur contre le forestier, alors que l’idéal serait qu’ils puissent oeuvrer de concert. Sans être un professionnel de la sylviculture, mais pour avoir participé à des formations aux côtés de Pierre Brossier, Jacky Pallu, Christophe Launay, David Pierrard, j’aurais envisagé la reconstitution du peuplement sinistré d’une autre manière, sans doute moins coûteuse, et plus en phase avec la notion d’équilibre forêt-gibier :
- laisser la végétation reprendre ses droits durant deux saisons,
- effectuer des cloisonnements au gyrobroyeur, et planter dans le recru, à l’abri de la dent des cervidés, et tout en leur offrant en même temps, par ces mêmes cloisonnements, des couloirs de fréquentation et un potentiel ligneux et semi ligneux de bordures, à portée de brout,
- moins de passages d’engins et pas de grillage, pour sans doute un peu plus d’interventions dans la durée, mais une offre nourricière préservée pour les ongulés et autres et un mirador ou une chaise haute peut-être pour éliminer le chevreuil trop actif ou gourmand.
Cette solution n’est-elle pas plus acceptable ? Mais, je me demande si dans ce cas on aurait pu prétendre à une subvention. Le monde de la chasse, comme le public fréquentant le milieu forestier d’ailleurs, ne doit pas rester insensible à la multiplication de ces surfaces engrillagées pour lesquelles on gaspille, une fois de plus, d’importantes sommes d’argent, pour un résultat final voué à l’échec. Propriétaires forestiers, élus des communes forestières, ne vous laissez pas « embobiner » par ces méthodes modernes, grosses consommatrices de subsides, et peu soucieuses d’une forêt résiliente, riche de la diversité de ses essences, de sa flore, de sa faune, et sans ces mailles de grillage… ».
Recueilli par Jean-Marc Thiernesse
Avis d’expert :
- les passages successifs d’engins lourds provoquent un tassement quasi définitif du sol, limitant ainsi le développement aux quelques essences supportant l’anaérobie, ce qui s’avère peu prometteur pour produire du bois d’œuvre,
- le temps que l’ambiance forestière soit recréée, gelées tardives et coups de soleil sont des contraintes supplémentaires infligées au développement des plants. Cela augmente encore plus les risques d’échec de la plantation,
- la mise en andain des branches pour dégager les emprises de lignes de plantation provoque souvent la recrudescence des attaques de campagnols,
- dès la pose d’un grillage de protection, la marge nette de ce que le peuplement rapportera au cours de sa vie est déjà consommée,
- la multitude des effets contreproductifs de ces méthodes devraient faire réfléchir le milieu forestier,
Et donc, pour conclure : « Plutôt que de se tirer une balle dans le pied… autant acheter des balles que du grillage, et surtout intégrer le fait que « attendre est aussi une façon de travailler… » ;
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