« L’autre outil majeur d’adaptation à notre disposition est l’augmentation du nombre d’essences dans les parcelles, en la favorisant lors de la régénération naturelle et des éclaircies, en y plantant des nouvelles. A ce que l’on peut tous constater, les personnels forestiers, experts, bucherons, débardeurs et autres sont loin de se soucier des sols ou de mettre en application toutes ces recommandations qui paraissent indispensables quant au devenir de nos forêts. Il y a assurément des hiatus entre ce discours conscient et précautionneux, et les réalités du terrain. J’en tiens pour preuve quelques exemples de ma campagne environnante sur les lisières sud-est du massif ardennais. Les sols constituent l’essentiel de la vie des écosystèmes : réseaux de mycélium, de racines, microbes, bactéries, amibes et micro-organismes de toutes sortes, animaux, vers de terre, collamboles, insectes, nématodes... Tout ce monde invisible respire, travaille, transforme et recycle en permanence le milieu. Même la matière minérale est sous processus de transformation, comme les gaz d’ailleurs. Les racines brassent aussi le sol et vivent en association symbiotique avec les champignons et agissent tels des injecteurs en profondeur. Et puis il y a l’eau, dont toute cette matière, vivante comme inerte, a tant besoin. On estime le besoin d’une forêt à 30 tonnes d’eau par hectare et par jour. Le sol reste la composante indispensable de ce cycle de l’eau… d’où l’importance de savoir le préserver des phénomènes climatiques que nous connaissons. Marc-André Sélosse, professeur au Muséum d’histoire naturelle, biologiste spécialisé en mycologie et botanique, ne cesse de le rappeler : les sols sont des cathédrales du vivant qui construisent notre monde ! ».
* Hervé Le Bouler est spécialiste des réserves génétiques des forêts, et chargé de mission à l’ONF