Aux origines : une écologie née des chasseurs
Il faut rappeler que le ministère de l’Environnement lui-même doit beaucoup au monde cynégétique. Sa création, en 1971, sous Georges Pompidou, chasseur passionné, fut inspirée par François Sommer, industriel, résistant et grand défenseur d’une chasse raisonnée. Avec son épouse Jacqueline, François Sommer mit sa fortune au service de la conservation de la nature, et fonda une institution toujours active aujourd’hui : la Fondation François Sommer pour la chasse et la nature. C’est de cette vision équilibrée, alliant chasse, culture et respect de l’environnement, qu’est née l’idée d’une politique écologique nationale. Dès les années 1950, François Sommer s’efforça d’imposer des règles de gestion durable du gibier. Il créa l’Association des chasseurs de grand gibier et initia le « plan de chasse », principe fondateur d’une régulation des populations animales fondée sur l’observation scientifique. Cette approche permit de restaurer la grande faune française, quasi disparue après-guerre. Les cerfs, chevreuils et sangliers sont aujourd’hui plus nombreux qu’à l’époque, preuve que la chasse raisonnée peut servir la biodiversité.
L’écologie contre la chasse : une fracture politique
Pourtant, à partir des années 1980, la logique change. Le ministère de l’Environnement, né de la chasse, tombe sous l’influence de courants idéologiques souvent hostiles à celle-ci. La dimension culturelle et territoriale de la chasse est progressivement effacée au profit d’une écologie moralisatrice, souvent urbaine, qui perçoit le chasseur comme un adversaire. En parallèle, la chasse perd de son poids social : le nombre de permis passe de deux millions dans les années 1970, à moins d’un million aujourd’hui. Si la chasse avait été rattachée au ministère de l’Agriculture, elle aurait probablement bénéficié d’un regard plus pragmatique. L’agriculture et la chasse partagent un rapport direct à la terre, une connaissance des cycles naturels et une gestion des ressources fondée sur la continuité des pratiques rurales. En restant dans le giron de l’Environnement, la chasse a été perçue à travers un prisme conflictuel : celui d’une activité à contrôler, voire à restreindre, plutôt qu’à accompagner. Un rattachement au ministère de l’Agriculture aurait permis de maintenir un lien organique entre les acteurs du monde rural, les agriculteurs et les chasseurs, tous deux gestionnaires de territoires et de biodiversité. Loin d’une opposition artificielle entre écologie et cynégétique, la France aurait pu développer un modèle fondé sur la cohabitation et la complémentarité. Affaiblie politiquement et symboliquement, la chasse reste pourtant une pratique essentielle de régulation, de transmission et de respect du vivant. La chasse n’est pas l’ennemie de la nature : elle en est l’une des expressions les plus anciennes. En la ramenant dans le champ du monde agricole, on reconnaîtrait enfin ce qu’elle est : une activité de terrain, enracinée dans la connaissance, l’équilibre et la responsabilité.