Une étude publiée en avril dernier dans la revue « Ecology Letters » remet en question les lâchers massifs de faisans de Colchide (Phasianus colchicus) en Europe, suggérant qu’ils pourraient contribuer à la propagation de la maladie de Lyme. Certes, ces oiseaux sont relâchés en grand nombre, mais il semble que leurs impacts écologiques sont surestimés... L’étude menée dans le sud-ouest de l’Angleterre a comparé deux types de forêts : celles où des faisans avaient été relâchés l’année précédente et des bois témoins situés à plus d’un kilomètre, hors de leur zone de dispersion typique. Les chercheurs ont collecté des tiques (adultes et nymphes) dans 89 sites différents, et ont effectué des analyses génétiques pour détecter la présence de Borrelia sp., la bactérie responsable de la maladie de Lyme. Résultat : les forêts avec lâchers présentaient davantage de tiques adultes et une prévalence de Borrelia 2,45 fois plus élevée. En particulier, Borrelia garinii, une espèce plus liée aux oiseaux, a été fréquemment retrouvée. Les auteurs suggèrent donc que la présence des faisans pourrait amplifier les risques zoonotiques, à l’image de ce qu’on a observé ailleurs avec d'autres espèces exotiques.
Cependant, cette conclusion mérite une analyse plus objective. Tout d’abord, la maladie de Lyme est essentiellement transmise par des tiques vectrices qui se nourrissent principalement de mammifères. Or, les animaux à poils (cervidés grands et petits, sangliers, rongeurs...) sont connus pour être les principaux hôtes des tiques en zone forestière, bien plus que les oiseaux. Les faisans, s’ils peuvent effectivement porter quelques tiques, ne représentent en aucun cas un réservoir majeur comparé à ces mammifères. Ils sont d’ailleurs bien souvent des hôtes « pauvres » pour les tiques au stade adulte, qui préfèrent des animaux plus gros et poilus pour se fixer durablement. De plus, les chiffres de l’étude montrent des écarts relativement modestes : 110 tiques adultes contre 54 dans les zones témoins, et un nombre équivalent de nymphes. Cela ne constitue pas une explosion du nombre de tiques, mais une variation statistique modérée qu’il faut relativiser. Enfin, l’étude ne démontre pas de lien direct entre les faisans relâchés et la hausse de la prévalence bactérienne, mais simplement une corrélation géographique, sans exclure d'autres facteurs environnementaux. Cette étude s’inscrit donc dans une tendance plus large de remise en question des pratiques cynégétiques, en particulier des lâchers de gibier. Toutefois, accuser les faisans d’être des agents majeurs de propagation de la maladie de Lyme semble exagéré. La maladie est bien davantage liée à la présence de mammifères porteurs de tiques, et non à des oiseaux comme les faisans. Il s’agit donc ici d’un nouvel exemple d’opération anti-chasse, utilisant un argument sanitaire pour critiquer une pratique pourtant réglementée, sans preuve formelle d’un lien de causalité majeur.
alabillebaude
La chasse... demain !