Si la fertilisation des prairies est une pratique agricole courante, des scientifiques ont constaté qu’au-delà d'un certain seuil, elle menace la biodiversité et les services écosystémiques essentiels. Une récente étude menée par l'Inrae et le CNRS a exploré cette question en analysant 150 prairies dans des zones tempérées, sous la direction de Yoann Le Bagousse-Pinguet. L'objectif était de déterminer à quel point la fertilisation perturbe ces écosystèmes, influençant des services tels que la séquestration du carbone, le filtrage de l'eau et le pâturage pour le bétail. Les chercheurs ont identifié deux seuils critiques grâce à une caractérisation détaillée des traits fonctionnels des plantes au sein des prairies. Ces traits incluent des caractéristiques comme la taille des feuilles et la vitesse de croissance, qui sont essentielles pour comprendre comment les espèces végétales interagissent et influencent leur environnement. Initialement, les prairies fertilisées avec et jusqu'à 80 kg d'azote par hectare et par an, restent productives, mais moins diversifiées par rapport aux prairies non fertilisées. Cependant, au-delà de ce premier seuil, les conséquences deviennent plus graves. À partir de 80 kg d'azote par hectare annuellement, les prairies montrent des signes de perturbation irréversible. Les espèces végétales perdent leur capacité à coexister harmonieusement, compromettant ainsi la stabilité de l'écosystème. Cette intensification de la fertilisation cesse également d'augmenter la biomasse végétale, indiquant une perte d'efficacité des pratiques agricoles en termes de productivité. Des recherches supplémentaires sont déjà en cours pour approfondir la compréhension de ces seuils écologiques, et pour explorer la possibilité de restaurer, au moins partiellement, les écosystèmes affectés.