Des traces de pesticides et de médicaments ont été détectées dans des mollusques et dans l’eau de mer sur l’ensemble du littoral français, y compris dans des zones réputées préservées. Ces résultats, publiés par l’Ifremer dans le cadre du projet « Emergent’Sea », révèlent une pollution chimique diffuse, témoignant de la persistance et de la dispersion de ces substances dans les milieux marins. Entre 2021 et 2023, les chercheurs ont analysé plus de 11 300 résultats de prélèvements réalisés de la Baie de Somme à la Corse, sur des huîtres, des moules et des échantillons d’eau. Les conclusions sont préoccupantes : 77 % des substances recherchées ont été détectées au moins une fois dans l’eau de mer et 65 % dans les mollusques. En moyenne, chaque point de suivi présentait 15 substances différentes dans l’eau et 10 dans les organismes marins, certaines zones atteignant jusqu’à 28 composés identifiés. « Tous les points échantillonnés présentent des contaminations », a déclaré Isabelle Amouroux, responsable de l’unité « Contamination Chimique des Écosystèmes Marins » (CCEM) à l’Ifremer. Elle souligne qu’il s’agit de la première étude d’une telle ampleur offrant « une vision globale de la contamination sur l’ensemble du littoral ». Les scientifiques ont même relevé des traces sur l’île d’Ouessant (Finistère), pourtant éloignée des sources continentales de pollution : jusqu’à deux substances pharmaceutiques et quinze pesticides y ont été retrouvés. Parmi les molécules les plus fréquemment détectées figurent le paracétamol, des métabolites du métolachlore, un herbicide courant et l’atrazine, un produit interdit depuis près de vingt ans en Europe. Dans les mollusques, la pollution provient surtout d’herbicides et de peintures antifouling, utilisées pour protéger les coques de bateaux. L’étude souligne désormais la nécessité de définir des seuils d’effets pour interpréter ces données et évaluer les risques écologiques, tout en tenant compte des effets cocktails entre substances. Financé par l’OFB, le projet « Emergent’Sea » associe l’Ifremer et l’Unité mixte de recherche EPOC (Université de Bordeaux – CNRS), afin de mieux comprendre l’ampleur et les impacts de cette contamination généralisée.