Législateur de la nature, pour créer et protéger
Dans l’Iran des années 1950 et 1960, en pleine modernisation sous le règne du Shah, Abdorreza Pahlavi se fit le porte-voix de la protection de la biodiversité. Alors que les grands espaces iraniens, des montagnes du Zagros aux steppes du Khorasan, abritaient encore une faune abondante, peu de mécanismes juridiques existaient pour encadrer leur exploitation. S’appuyant sur son influence politique et diplomatique, il fit adopter les premières lois modernes sur la chasse en Iran. Celles-ci permirent de réguler les prélèvements, de lutter contre le braconnage, et surtout de promouvoir une approche raisonnée de la gestion cynégétique. Ce fut sous son impulsion que plus de 20 millions d’acres, soit environ 8 millions d’hectares, furent classés en réserves naturelles et parcs nationaux, une superficie équivalente à un cinquième de la France métropolitaine. Parmi ces territoires sanctuarisés figuraient des zones emblématiques comme le parc national de Kavir et les réserves de Touran et de Golestan.
Une stature internationale dans le monde de la conservation
Convaincu que la protection de la nature ne pouvait être efficace que si elle dépassait les frontières nationales, le prince Abdorreza fonda la « Fondation internationale pour la conservation du gibier » (International Foundation for the Conservation of Game – IGF), qu’il présida pendant plusieurs années. Cette organisation visait à favoriser la coopération entre les pays en matière de préservation des espèces de gibier et de gestion durable des habitats. Son engagement ne passa pas inaperçu, et en 1962, il reçut le prix Weatherby, l’une des plus hautes distinctions internationales décernées aux chasseurs-conservateurs ayant contribué de manière significative à la sauvegarde de la faune. Cette reconnaissance internationale témoignait de la double identité du prince : celle d’un homme passionné de chasse, mais profondément respectueux des équilibres écologiques.
Une passion pour la chasse respectueuse et documentée
A l’opposé d’une certaine image stéréotypée des chasseurs royaux, Abdorreza Pahlavi s’inscrivait dans la tradition du fair chase, cette éthique de la chasse fondée sur l’égalité des chances entre l’homme et l’animal, et sur le respect du vivant. À ce titre, ses voyages cynégétiques dans le monde entier sont restés exemplaires à la fois par leur traçabilité, leur modération et la qualité des spécimens prélevés. Sa première entrée dans le livre des records date de 1960, avec un caribou de la toundra récolté dans les montagnes Talkeetna, en Alaska. Il poursuivit cette quête de gibier d’exception en 1967 avec un grand ours brun sur l’île Kodiak, toujours en Alaska, et un bison du Wyoming, deux trophées emblématiques de la mégafaune nord-américaine. Chacun de ces animaux fut chassé dans le respect des règles, et souvent dans des conditions rigoureuses, loin des expéditions confortables réservées aux élites. Sa dernière entrée officielle au registre des trophées date de 1988, bien après son exil, avec un orignal Alaska-Yukon tiré à 80 mètres dans la région de la rivière Kugururok. L’animal fut mesuré et homologué à 225-6/8 points, une cotation particulièrement respectable. Il avait alors passé une semaine entière en Alaska, preuve de son engagement physique dans l’acte de chasse, mais aussi de sa volonté de se reconnecter à la nature loin du tumulte politique qui avait bouleversé son pays.
Exil et héritage
La révolution iranienne de 1979 contraint le prince Abdorreza à l’exil, comme la plupart des membres de la famille impériale. Il s’installa à Paris, puis à Genève, où il continua d’écrire, de participer à des conférences sur la conservation, et de soutenir des initiatives environnementales. Bien qu’écarté de la scène politique, il conserva jusqu’à sa mort, en 2004, une aura de dignité et d’engagement, notamment dans les cercles de chasse éthique et de protection de la biodiversité. Aujourd’hui, alors que les débats sur la chasse, la conservation et la biodiversité sont plus que jamais d’actualité, la figure d’Abdorreza Pahlavi résonne avec une pertinence renouvelée. Son œuvre démontre qu’il est possible de concilier passion cynégétique et respect des équilibres naturels, statut aristocratique et vision progressiste de l’environnement.