Sous le règne de Louis XIII, cette dimension politique de la chasse est d’autant plus marquée que le roi lui-même en est un pratiquant assidu. Les contemporains s’accordent à décrire un souverain profondément attaché à la chasse, qu’il pratique avec une régularité presque quotidienne. Elle constitue pour lui un espace de liberté personnelle, mais aussi un lieu privilégié d’exercice de son autorité. Richelieu, conscient de cet attachement, ne cherche jamais à concurrencer le roi sur ce terrain. Il gouverne, le roi chasse ; la répartition des rôles est claire et respectée. Dans ce cadre, la chasse à courre demeure centrale, car elle met en scène l’endurance physique, la maîtrise de soi et la supériorité symbolique du souverain. Le moment de l’hallali revêt une portée particulière : le roi doit y occuper la place centrale, souvent en donnant le coup final. Toute initiative intempestive constitue moins une incorrection qu’une transgression politique. Les armes à feu, déjà bien présentes au début du 17e siècle, s’intègrent à cette mise en scène. Arquebuses et mousquets sont utilisés pour la chasse au grand gibier, cerf et sanglier notamment, tandis que les premiers mécanismes à silex commencent à apparaître. Ces armes restent lentes à recharger, peu précises et parfois peu fiables, ce qui renforce encore la dimension ritualisée du tir. Là aussi, l’ordre prévaut sur l’efficacité. Tirer avant le roi ou se distinguer par une adresse trop démonstrative revient à rompre l’équilibre implicite de la cour. La chasse fonctionne alors comme un miroir fidèle du système politique : un espace où l’adresse n’a de valeur que si elle demeure contenue, et où la survie sociale dépend moins du talent que de l’intelligence des rapports de pouvoir. En ce sens, Richelieu n’a pas besoin d’être présent, fusil à l’épaule, pour donner des leçons. Sa pensée irrigue l’ensemble du dispositif. La chasse, comme la cour elle-même, rappelle à chacun que l’obéissance, la retenue et la maîtrise de soi sont les conditions premières de toute ascension, et souvent de toute survie, sous l’Ancien Régime. En est-il différemment aujourd’hui ?