Un développement fœtal sous contraintes hivernales

Si cette stratégie maximise les chances de survie des jeunes, elle impose toutefois aux chevrettes une gestation active en plein hiver, période la plus contraignante de l’année. Lorsque le fœtus commence réellement à se développer, les ressources alimentaires se raréfient fortement. Les plantes herbacées, framboisiers, chèvrefeuilles ou cornouillers ont disparu du paysage, obligeant le chevreuil à modifier radicalement son régime alimentaire. Des études ont montré qu’entre décembre et mars, l’alimentation repose majoritairement sur le lierre et la ronce, végétaux ligneux persistants mais relativement pauvres sur le plan énergétique. Dans le même temps, les suivis GPS révèlent une réduction marquée du domaine vital des femelles en hiver, traduisant une stratégie d’économie d’énergie et de limitation des déplacements. Malgré ces adaptations, les hivers rigoureux, notamment en cas d’enneigement prolongé, peuvent entraîner des situations de stress nutritionnel. L’attrait très rapide des chevreuils pour les dispositifs appâtés en période de neige témoigne de cette fragilité alimentaire. Or, la condition corporelle de la chevrette a des conséquences directes sur sa reproduction : les travaux de l’ONCFS ont montré qu’un amaigrissement hivernal entraîne une diminution du poids de naissance des faons et peut retarder la première reproduction des jeunes femelles insuffisamment développées. Un hiver sévère peut ainsi influencer durablement la dynamique d’une population, en réduisant la survie des jeunes et en décalant l’âge à la première mise bas. La reproduction du chevreuil apparaît donc comme un subtil équilibre entre une adaptation biologique remarquable et une forte dépendance aux conditions environnementales. L’état corporel des femelles, la rigueur climatique et la disponibilité alimentaire hivernale constituent autant d’indicateurs essentiels pour évaluer la santé et l’équilibre d’une population de chevreuils dans son milieu naturel.