Quantité de mouvement, impulsion et mythes balistiques : ce qui compte vraiment pour la létalité
La quantité de mouvement (Q = m·V), exprimée en kg·m/s ou en newton-seconde, est souvent présentée dans certaines publications cynégétiques comme un indicateur de « puissance d’impact ». Or, cette interprétation ne résiste pas à l’analyse physique. Reprenons notre projectile de 15 g à 700 m/s : Q ˜ 10,5 N·s. Une telle valeur, même élevée, ne peut expliquer ni l’abattement immédiat d’un animal ni un hypothétique « coup de massue ».
L’idée que la balle puisse transmettre un choc capable de renverser un sanglier repose sur une confusion : un projectile ne peut pas faire subir à une masse de 80 kg autre chose que ce qu’il ferait subir à l’épaule du tireur, selon le principe d’action-réaction. La quantité totale de mouvement transmise au corps de l’animal est extrêmement faible : si elle devait produire un déplacement notable, le recul de l’arme serait alors catastrophique, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Certains auteurs évoquent un « choc neurogénique » provoqué par une accélération brutale des tissus lors de l’impact, transmis en quelques millisecondes. Ce phénomène existe, mais reste limité et ne constitue pas un mécanisme létal fiable. Des tests balistiques modernes (blocs de gélatine normalisés, tirs contrôlés sur médium osseux, analyses post-mortem) montrent que l’efficacité terminale d’un projectile dépend essentiellement de l’énergie transférée et de la manière dont la balle se déforme, et non de l’impulsion. En pratique :
- une balle lente et très lourde peut avoir une quantité de mouvement élevée, mais causer peu de dégâts si elle traverse sans transférer d’énergie ;
- une balle rapide et bien conçue transfère fortement son énergie, créant une cavité permanente et temporaire plus importante ;
- à calibre égal, la létalité augmente principalement avec la vitesse, non avec la quantité de mouvement.
C’est pourquoi les fabricants indiquent systématiquement l’énergie cinétique et non Q dans leurs tables. L’énergie résiduelle est un critère immédiatement utile pour le choix d’une munition, car elle conditionne la capacité du projectile à interrompre rapidement les fonctions vitales de l’animal et à limiter ses souffrances. Introduire la notion de quantité de mouvement dans la sélection des munitions n’a donc qu’un intérêt très limité pour le chasseur, et entretient surtout des idées fausses sur les mécanismes d’arrêt. Seule l’énergie cinétique transférée, associée à une balle adaptée au gibier et à un placement précis, constitue un indicateur pertinent de l’efficacité réelle d’un tir.