En parallèle, des recherches en culture de tissus végétaux ont permis de produire des cellules lignifiées in vitro. En contrôlant les nutriments, les hormones végétales, l’éclairage et la densité cellulaire, certaines équipes ont réussi à induire la formation de structures proches du xylème. Ces avancées montrent que la fabrication de bois à petite échelle sans arbre entier est envisageable, même si les volumes restent limités et que les propriétés mécaniques et hiérarchiques ne reproduisent pas encore le bois naturel.
Une troisième approche, industrielle, consiste à capturer le CO2 puis à le transformer en matériaux bio-inspirés, comme la cellulose artificielle ou des polymères ligno-cellulosiques, offrant certaines propriétés du bois tout en restant des substituts fonctionnels.
Perspectives scientifiques et enjeux futurs
Les perspectives scientifiques autour du bois cultivé en laboratoire s’articulent autour de plusieurs axes complémentaires. L’amélioration des systèmes de photosynthèse artificielle vise à augmenter le rendement de la fixation du carbone et à diversifier les molécules produites, afin de se rapprocher des précurseurs chimiques nécessaires à la synthèse de cellulose et de lignine. Des recherches sur des enzymes ou des complexes bio-inspirés plus stables et plus efficaces pourraient permettre, à terme, la production de biomasse ligneuse synthétique plus proche du bois naturel. Les progrès en microfluidique et en bioréacteurs optimisés offrent également la possibilité de contrôler la forme et la densité des tissus cultivés, ouvrant la voie à une production modulable adaptée aux besoins industriels.
La culture de bois in vitro pourrait aussi constituer un outil stratégique pour le stockage durable du carbone, en dissociant la production de biomasse des contraintes environnementales et climatiques. Les scientifiques envisagent de combiner cette approche avec des matériaux composites à base de carbone capturé, ce qui permettrait de créer des produits ligneux « programmables » en termes de rigidité, de densité et de forme. Cette interdisciplinarité entre biologie, chimie et science des matériaux constitue le cœur de la recherche actuelle, avec pour objectif de développer des alternatives au bois forestier, sans compromettre ses qualités mécaniques et écologiques. Cependant, plusieurs limites subsistent. Le coût énergétique et financier reste élevé, et la reproduction de la complexité structurelle du bois naturel, notamment sa hiérarchie cellulaire et son anisotropie mécanique, demeure un défi majeur. La lenteur de la croissance et l’auto-réparation présentes dans le bois naturel ne sont pas encore atteignables. Les implications pour la faune et la chasse sont encore difficiles à prévoir : si la production de bois artificiel réduit la pression sur les forêts naturelles, elle pourrait modifier la disponibilité et la structure des habitats, affectant ainsi les espèces sauvages et leurs interactions écologiques. Malgré ces obstacles, la recherche sur le bois artificiel ou cultivé constitue une avancée prometteuse. Elle permet de repenser la production de matériaux durables, de sécuriser l’approvisionnement en bois et de contribuer aux stratégies de lutte contre le changement climatique, tout en laissant entrevoir des pistes pour la conservation des massifs forestiers et de la biodiversité qu’ils abritent.