Piqueur, chiens et décisions : une chasse d’expérience

Face à un ferme, le piqueur se trouve immanquablement confronté à une question cruciale : faut-il encourager les chiens ou, au contraire, les retenir ? La réponse est rarement tranchée, et bien heureux celui qui prétendrait détenir une règle absolue. La chasse au sanglier, comme toute chasse authentique, n’est pas une science exacte. Elle relève davantage de l’empirisme, de l’expérience acquise au fil des saisons, des succès et parfois des drames. Les théories savantes et les recettes toutes faites cèdent vite le pas à la réalité du terrain. De nombreux facteurs entrent en jeu : le poids de l’animal, son état (blessé ou non), l’armement du chasseur, le type de couvert, la configuration du terrain, mais aussi et surtout la nature et le comportement des chiens. Tous ne tiennent pas le ferme de la même façon. Certains, dotés d’un mordant affirmé, font preuve d’un culot remarquable. Ils serrent de près, attaquent, provoquent, cherchant à forcer le sanglier à démarrer. Ces auxiliaires précieux n’ont généralement pas besoin d’être encouragés, et il arrive même qu’il faille les tempérer pour éviter l’accident. D’autres, plus prudents, tiennent le ferme à distance, donnant de la voix sans s’exposer outre mesure. Ils avancent seulement lorsque l’animal se déplace, limitant ainsi les risques. C’est alors au piqueur de juger s’il convient d’appuyer ou non, selon les circonstances. Dans un épais inextricable, un sanglier bien armé et blessé peut transformer un ferme en piège mortel, surtout si l’on pousse des chiens peu mordants au contact. Si le poids de l’animal constitue un indicateur, il est loin d’être suffisant. Jusqu’à une cinquantaine de kilos, un sanglier bousculera chiens et hommes, généralement sans causer de graves dommages. Au-delà, la prudence s’impose. Les défenses, parfois fines mais extrêmement coupantes, peuvent se révéler redoutables. L’expérience rappelle que même un animal jugé « de compagnie » peut se montrer dangereux. N’oubliez jamais que le sanglier connaît son terrain mieux que quiconque, et qu’il saura toujours exploiter la moindre faille. C’est pourquoi, face à un ferme, l’humilité, l’observation et la mesure restent les meilleures alliées du traqueur.