Dans la nuit du 24 au 25 décembre, dans une pâture située entre Sarrey et Chauffourt (Haute-Marne), sur 28 brebis présentes, 24 gisaient au sol, mortes ou agonisantes. Vingt avaient été tuées durant la nuit, quatre autres ont dû être euthanasiées en raison de blessures irréversibles. Les constats réalisés quelques heures plus tard par les agents de l’OFB ne laissent place à aucune ambiguïté : l’attaque est imputable au loup. « Quand je suis arrivé, j’ai tout de suite compris que tout le troupeau y était passé... » a déclaré Gabriel Binon, salarié du GAEC Brebis Green. Les brebis solognotes, toutes pleines et destinées à agneler en début d’année, portaient des morsures profondes à la gorge, à la cuisse ou sous le ventre. Les images de la caméra de surveillance installée sur place montrent un loup isolé, actif aux alentours de 4 h 30 malgré les systèmes de protection mis en place (grillage, fil barbelé et clôture électrique sur secteur). Rappelons que depuis le début de l’année, 787 moutons ont été tués ou euthanasiés en Haute-Marne, tous dans le périmètre du Bassigny. L’attaque de Sarrey en constitue le pic le plus brutal. C’est dans ce contexte de tension extrême qu’interviennent aujourd’hui les résultats génétiques inédits révélant la composition et l’origine de la meute du Bassigny, marquant une nouvelle étape dans l’installation durable du loup en zone de plaine, et ravivant plus que jamais, le conflit avec le monde de l’élevage. Des analyses génétiques ont été menées à la suite de prélèvements de crottes laissées par la meute de loups installée dans le Bassigny, à cheval notamment sur la Haute-Marne, les Vosges et la Meuse. Ces échantillons ont été collectés par les agents de l’OFB, puis transmis au laboratoire spécialisé ANTAGEN, situé à Grenoble, référence nationale pour les analyses ADN de la faune sauvage. Une première série de résultats a été validée le 11 décembre dernier. Ces analyses ont permis d’identifier plusieurs profils génétiques distincts au sein de la meute : « Sur les neuf individus détectés, six ont pu être formellement identifiés », précise l’OFB. Parmi eux figurent deux jeunes mâles, ainsi que deux jeunes individus distincts dont le sexe n’a pas encore pu être déterminé, l’ADN étant incomplet pour cette caractérisation. Une femelle a également été identifiée, sans que les analyses actuelles ne permettent de dire s’il s’agit de la femelle adulte reproductrice ou d’une jeune femelle. Des résultats complémentaires sont attendus courant janvier afin d’affiner ces données. L’élément majeur de cette analyse réside toutefois dans l’identification génétique d’une louve adulte d’origine germano-polonaise, appartenant à la lignée dite W1. Il s’agit d’une première en France. « À ce stade, seuls des mâles de cette lignée avaient été détectés sur le territoire national », rappelle l’OFB, tout en restant prudent : « Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autres femelles germano-polonaises en France, mais simplement qu’elles n’ont pas encore été génotypées ». La présence de cette femelle vient confirmer la composition du couple reproducteur observé fin août 2025, lorsqu’une vidéo avait révélé un couple de loups adultes accompagné de sept louveteaux issus d’une même portée, nés à la fin du printemps. Il avait alors été établi que le mâle présent dans le secteur de Poissons depuis 2022 s’était déplacé dans le Bassigny. Ce mâle est déjà bien connu des services de suivi : il est d’origine italienne, appartenant à la lignée W22. Chez le loup, la lignée W1 est considérée comme génétiquement dominante. Ainsi, si la femelle adulte reproductrice est bien celle d’origine germano-polonaise, l’ensemble des jeunes issus de ce croisement porteront cette lignée. En France, le premier loup W1 avait été identifié en Lozère en 2017, puis dans les Vosges en 2020 et en Haute-Saône en 2022, exclusivement des mâles jusqu’à présent. La situation observée en Haute-Marne constitue donc un cas inédit : la première présence certifiée d’une femelle W1 sur le territoire national, dans un contexte qui marque également la première reproduction avérée de loups en zone de plaine depuis près de trente ans en France. Mais cette avancée scientifique intervient alors que la pression sur l’élevage s’intensifie...