Les introductions d’espèces non indigènes et leur propagation à grande échelle transforment profondément la biodiversité, les interactions entre espèces, ainsi que le fonctionnement et les services des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins. Comprendre les mécanismes qui permettent à certaines espèces introduites de se propager est donc un enjeu central pour la science des invasions, mais aussi pour la gestion et les politiques environnementales. La propagation représente l’étape clé par laquelle une introduction ponctuelle devient une invasion biologique. Elle résulte de l’interaction entre dispersion, recrutement et établissement, à différentes échelles, spatiales et temporelles. Ces processus sont influencés par des facteurs évolutifs et anthropiques, et varient fortement selon les groupes biologiques (animaux, plantes, champignons ou agents pathogènes). Chez les animaux, la dispersion repose sur une grande diversité de mécanismes. Elle peut être active, comme le vol, la nage ou la locomotion terrestre, ou passive, par le vent, les courants, les transports ou les activités humaines. Les oiseaux et certains insectes peuvent, eux, parcourir de longs trajets rapidement, tandis que les mammifères terrestres et les reptiles se dispersent le plus souvent sur des distances limitées, parfois facilitées par le transport humain. Quant aux espèces aquatiques, elles illustrent particulièrement cette complexité, combinant dispersion naturelle, connectivité des milieux et voies artificielles telles que l’aquaculture, l’eau de ballast ou les canaux. Dans de nombreuses espèces, certains individus, plus explorateurs ou plus audacieux, jouent un rôle disproportionné dans l’expansion des fronts d’invasion. Ce « syndrome comportemental de l’invasion » contribue donc à accélérer la propagation et à structurer les dynamiques spatiales des populations envahissantes. En combinant observations, modèles de diffusion, simulations individuelles et outils d’intelligence artificielle, la science progresse vers une meilleure capacité à mesurer, modéliser et anticiper la propagation des espèces non indigènes, et cette compréhension est essentielle pour orienter les stratégies de prévention, de gestion et de conservation face aux changements environnementaux globaux.