Sa témérité le poussait même parfois au bord de l’imprudence : il voulut un jour affronter un sanglier au corps à corps, à l’arme blanche, dans une sorte d’arène improvisée au château. Les dames s’y opposèrent, on remplaça le roi par des mannequins… lesquels furent promptement éventrés avant que la bête, furieuse, ne charge la palissade et ne fonce droit sur l’estrade royale. François 1er, loin de fuir, dégaina calmement son épée et terrassa l’animal. Voilà qui a de quoi remonter la cote de popularité d’un monarque, même au XVIe siècle.
Et qu’on ne lui parle pas de repos : lorsqu’on lui conseillait d’éviter la chasse les jours de grand froid, il répondait que c’était précisément elle qui le guérissait ! Jusqu’au bout, il voulut chevaucher : la maladie le prit alors qu’il parcourait encore ses forêts favorites, et c’est épuisé, mais fidèle à sa passion, qu’il s’effondra à Rambouillet.
Chambord, son histoire, son faste et sa postérité
Ce n’est donc pas un hasard si un homme animé d’une telle frénésie cynégétique décida de faire ériger au cœur d’un territoire giboyeux, le château de Chambord, cet étonnant géant de pierres qui semble sorti d’un rêve mêlant château-fort, renaissance italienne et fantaisie royale. Ironie de l’histoire : le souverain qui en lança les travaux ne vit jamais la demeure achevée.
Les chantiers, aussi ambitieux que son imagination, se poursuivirent sous Henri II jusqu’en 1560. Mais même inachevé, Chambord s’enflammait chaque matin au rythme de la vénerie : les chiens tenus en couple par les piqueurs, les faucons chaperonnés sur le poing des fauconniers, les veneurs en livrées éclatantes, les dames sur leurs haquenées richement harnachées, bottines rouges et plumes au vent. Les appels joyeux de la trompe rassemblaient les retardataires, et, si la chasse était bonne, la cour assistait à la curée, au milieu des flambeaux, de la meute frémissante et des sonneries qui résonnaient dans les murs massifs du château. Chambord vivait véritablement au rythme du cerf et du sanglier : la vénerie était son souffle, son moteur et son éclat. L’esprit de ces chasses résonne encore au cœur de la Sologne, tandis que la réserve présidentielle, close de murs sur plus de 5 000 hectares, accueille les fameuses battues de régulation, aujourd’hui apparemment sacrifiées sur l’autel des traques-affûts. Et si chaque échelon de la République, ministères, ambassades, collectivités, fédérations, rêve secrètement de recevoir l’invitation tant convoitée, bien peu y parviennent. Chambord reste ainsi fidèle à lui-même : somptueux, sélectif, et toujours intimement lié à la chasse qui fit battre le cœur de François Ier.