Selon Bloom, le film véhiculerait aussi des messages mensongers sur l’abondance des poissons, banaliserait la pêche au chalut et induirait le consommateur en erreur sur le « bien manger ». Il fallait oser. En 90 secondes de fable de Noël, Intermarché aurait donc réussi à faire ce que ni les États, ni les multinationales, ni cinquante ans de politiques publiques n’ont accompli : manipuler l’opinion mondiale sur l’état des océans. Pendant ce temps, les écologistes pro-loups, habituellement prompts à rappeler que le loup est un superprédateur strictement carnivore, se retrouvent piégés dans leur propre narration. Car le vrai loup, celui des campagnes et des montagnes, ne mange ni tofu ni filets de carotte, mais chasse ongulés, charognes et parfois bétail. Le transformer en mascotte végane, tout en exigeant une rigueur scientifique absolue dans une publicité de fiction, relève d’un grand écart intellectuel savoureux. Le plus cocasse reste sans doute cette idée qu’un loup de dessin animé devrait assumer une mission pédagogique sur le végétarisme, la pêche durable et la morale alimentaire. À ce rythme, il faudra bientôt vérifier que le Petit Chaperon rouge respecte les corridors écologiques et que les Trois Petits Cochons déposent un permis de construire conforme. Moralité : à force de vouloir moraliser les fables, certains finissent par se perdre dans un bois idéologique bien plus épais que celui du conte.